Voyage au pays du Mussa MBiki
C'est le patronyme de ce marin musulman qui est en tout cas l'origine probable du nom que porte le pays aujourd'hui.
Après avoir terminé mon stage au Centre Culturel Franco-Mozambicain de Maputo, Dora et moi nous sommes mis en route pour deux semaines d'une traversée Sud-Nord ambitieuse (2500 km de côte) du Mozambique, en bus, avion, stop et bien évidemment chapa.
Au petit matin du 31 Août (6h, on trouvait encore ça tôt!), un taxi nous dépose devant le dépôt des bus Oliveira's, une compagnie dont notre 'petit futé' (le guide de voyage le plus récent disponible) vantait le sérieux et la modernité des engins... 3 bus à l'âge déjà fort honorable attendent de partir. Seraient-ils les omnibus dont le petit futé déconseille l'usage de par leurs temps de transport absolument mirobolants? Après avoir acheté nos billets dans l'entrebaillement étroit d'un guichet caché à l'intérieur du garage où gisent les épaves de bus ayant dépassé l'âge mur atteint par ceux encore prêts à partir (l'âge mur précédent inévitablement l'âge pourri), nous sommes finalement montés dans les 1ers bus aperçus qui se sont révélés être les 'modernes' Intercity... Une brève conversation avec un voisin afin de savoir à quelle heure nous avions des chances d'arriver nous a légèrement effrayé: il s'agissait selon lui de 20 à 22h de trajet, mais, nous rassurait-il, le plus important est d'arriver, non?! Le coup d'oeil à un panneau de signalisation n'a pas été pour nous rassurer... Notre destination Vilankulos se trouve entre Inhambane et Beira! Le voyage jusqu'à Vilankulos, quoiqu' "un peu" long (13h... la notion du temps de certains mozambicains est troublante: j'avais déjà expérimenté que 5 minutes pouvaient être 1/2 h, ici, 22h sont devenues 13h, tant mieux!), s'est déroulé sans encombre, il a été rythmé par les arrêts dans des bourgs où le bus étaient assaillis de vendeurs ambulants vendant absolument tout à travers les fenêtres du bus: fruits, biscuits, noix de cajou, oeufs durs, brochettes, maïs grillé, poulets vivants etc. Sur la photo, Dora, le petit écureuil, protégeant son paquet de noix de cajoux grillés!
Arrivés dans le village de Vilankulos (l'hyper centre est en dur, le reste est fait de huttes), il fait déjà nuit. On se couche relativement tôt ayant eu une journée de transport assez fatigante (on pensait peut-être encore naïvement que ça serait une des plus fatigantes! La distance importe finalement assez peu, mais je m'avance!) dans notre bungalow en chaume au sein d'un camping en bord de plage aux douches en plein air, à eau courante, mais fraiche (à nouveau, on se trouvait mal loti, on allait pas jusqu'à se plaindre et heureusement, car la suite nous montra qu'il n'y avait là aucune raison de se plaindre!). Le réveil fut magnifique, les plages de Vilankulos et les îles environnantes sont vraiment enchanteresses, pendant la journée, mais aussi et surtout au coucher du soleil. La première journée, nous l'avons passée avec une petite excursion en kayak de mer et une promenade dans le minuscule bourg qu'est Vilankulos. Coucher à nouveau assez tôt, car pour le lendemain matin tôt est prévue une excursion à l'île de Magaruque, quasi vierge, la plus proche de Vilankulos. Embarquement sur un dhow (une grosse barque) morotisé fort sympathique; à bord, d'autres touristes, le capitaine et le cuistot qui allume un feu... sur le bateau (!) et ce pour faire chauffer de l'eau pour le thé!! Magaruque est une petite île dont on fait le tour en 2 heures et qui offre la possibilité d'explorer un reef (récif) où les poissons multicolores pullulent en palme, masque et tuba. Magnifique.
La prochaine étape consistait à rallier Beira le dimanche 3 septembre afin d'être sûr de pouvoir embarquer sur le Beira-Pemba en avion que nous avions déjà acheté. De vilankulos, un micro-bus part tous les jours en direction de Beira... à 4h30 (oui du matin!). Mais il est tellement toujours plein qu'il faut réserver son siège un jour avant... Ce que nous apprîmes que bien trop tard, quelques heures avant le départ. Nous tentons tout de même notre chance et nous présentons à l'heure dite... Sans succès, même si le conducteur du bus consentait à nous prendre, nous ne serions pas monté dans un bus aussi plein! Direction donc la route Sud-Nord dont nous nous étions éloignés de quelques kilomètres pour rallier Vilankulos (un bus pour Maputo nous y amena et nous y arrivâmes vers 5h) afin de trouver un moyen de transport vers Beira (bus en provenance de Maputo, où ce qui passera d'autre!): lever de soleil magnifique sur la station d'arrêts d'autobus, chapas, poids-lourds... On est dimanche mais l'activité débute très tôt, vers 5h30: on se lève, on fait chauffer de l'eau, on balaye le sable et les déchets de devant sa porte... vers celle du voisin, on transporte d'énormes charges à bout de crâne! Finalement, après près de 3 heures d'attente et quelques tentatives de stop infructueuses, le 4x4 d'un géant sudafricain Afrikaanse s'arrête et nous propose de nous emmener à Beira! Véhicule très récent, air climatisé, conduite sportive... bien plus qu'on avait osé espérer! Le géant sudaf, qui conduisait un de ses employés mozambicains visiter sa famille et en profitait pour faire une étude de marché, poussa même le zèle jusqu'à nous déposer devant notre hotel! Partis vers 8h, nous sommes arrivés vers 13h à Beira, soit bien avant le micro-bus qu'on a refusé de prendre et parti à 4h30!
Puis voilà Beira, 2ème ville du pays, le plus important bastion Renamo [Resistancia Nacional de Moçambique] (soit l'opposition, le parti au pouvoir étant le Frelimo [Frente de Liberação de Moçambique]), ce qui explique en partie l'état de délabrement avancé de la ville, laissée assez souvent à l'écart des programmes de réhabilitation par une administration centrale rancunière, ce qui est particulièrement dommage car c'est sans doute à Beira (après Ilha de Moçambique) que l'on a vu l'architecture la plus intéressante. A Beira, a-t-on touché aux bâtiments coloniaux depuis le départ précipité des portugais? Il semble que non et quel exemple plus impressionnant que le grand hotel, immense bâtisse entamée par les portugais mais jamais terminée, aujourd'hui occupée par des milliers de squatteurs, sans eau ni électricité, vivant au milieu des ordures et se lavant dans l'eau croupie du fond de la piscine. Nous nous éloignons et longeons la plage. Enfin, bière et vin en terrasse des "biques", bar au bout de la plage de Beira.
Le lendemain, nous volons de Beira à Pemba: atterrissage à Pemba après une boucle effectuée par l'avion sur la baie, un spectacle époustouflant. Là, on retrouve Ania et Piotr, collègues de Dora à la commission, eux aussi en vacances au Mozambique. La plage à Pemba et l'hôtel Pemba Beach Resort, à plusieurs centaines d'euros la nuit... où nous ne sommes évidemment pas descendus! Ca a d'ailleurs été un problème assez critique à Pemba, à savoir que l'on ne trouvait que soit des hotels très luxueux et hors de prix, soit des campings sans eau courante (douche à la cruche et au baquet), ou des pensions miteuses, sales, avec parfois de l'eau courante froide et ce pour des prix défiant évidemment toute concurrence... Le milieu de game manque cruellement!
Le lendemain, nouveau départ à l'aube (4h: le soleil se levant vers 5h30 et se couchant vers 17h30, les transports partent tous très tôt afin de ne pas gâcher la journée entière): un chapa doit nous emmener à Tangenhange à 120 km au Nord de Pemba afin d'embarquer de là pour l'île d'Ibo. Moment d'incompréhension lorsqu'on nous dit de monter à l'arrière d'un pick-up: nous voulons aller à Ibo! Oui, oui, c'est le chapa pour Ibo!! C'est comment nous avons appris que pour les routes non carrossables aux chapas 'classiques', des pick-ups viennent en remplacement. Petite peur au ventre au moment de partir: les 120 km seront couverts en 5 ou 6 heures nous a-t-on dit, comment allons nous passer 6 heures à l'arrière de ce pick-up? Et surtout dans quel état doivent être les routes si les chapas, d'habitude si aventureux, ne peuvent pas y passer? Et bien nos inquiétudes n'ont pas été déçues par un voyage qui fut probablement un des plus rudes: 120 km de pistes cabossées à l'arrière d'un pick-up bondé, surchargé de manioc, de charbon, d'hommes, de femmes, de nouveaux-nés... Escale technique en pleine brousse, on ouvre le bouchon de radiateur sans prendre la précaution d'attendre que le moteur refroidisse: celui-ci est évidemment éjecté sous la pression. Mais nous reprenons bientôt notre chemin.
A l'arrivée à Tangenhange, c'est encore marée basse, on ne voit pas encore la mer se faufiler entre les mangroves. Le capitaine d'un bateau se propose de nous emmener vers l'île d'Ibo, dès que la marée sera haute, 1h plus tard. Finalement, 2 bateaux partiront: 2 frêles embarcations à la voile rapiécée qu'un membre d'équipage est régulièrement occupé à écoper... Une véritable régate s'engage entre les deux capitaines, on se lance des défis, des plaisanteries (impossibles à comprendre, ici, on ne parle qu'assez peu portugais, on y préfère le swahili).
On arrive enfin à bon port après une bonne heure de navigation. Ibo est une petite île loin de tout cachée au milieu des mangroves où l'on ne peut venir qu'à marée haute dans le frêle esquif sus-décrit ou bien à bord d'un des luxueux speed-boats mis à disposition par les lodges installés sur les nombreuses îles privées des alentours à destination de touristes fort aisés. Certes il existe aussi une liaison aérienne assurée par une avionnette mais à nouveau on retrouve cette absence de milieu de gamme, qui semble en fait délibérée: afin de profiter des bénéfices du tourisme mais de ne point souffrir des conséquences néfastes de sa massification, les autorités auraient décidé de ne développer que le tourisme destiné aux très riches... On a pu s'en apercevoir!
Les portugais ont construit sur Ibo une ville en dur, il y avait même apparemment un éclairage public électrique là où aujourd'hui on se promène dans ce qui fait penser à une ville fantôme... Des bâtiments à l'architecture plaisante mais en ruine partielle ou totale (un peu comme à Beira) parmi lesquels on se promène au clair de lune dès le soir tombé, les restes d'un passé prospère qui s'est brutalement effondré au départ des portugais. Splendeur et misère de la colonisation... Misère surtout d'un pays où l'on a souvent ce sentiment de voir encore les portugais s'enfuir, laissant certes des infrastructures mais dans un pays déjà en proie à l'affrontement des blocs où la guerre vint balayer rapidement la prospérité passée. Aujourd'hui, à peine un embryon de réhabilitation mais des projets permettent d'espérer: un lodge se construit, apparemment soucieux d'intéger les communautés comme nous le racontait un volontaire brittanique qui a passé 4 mois sur l'île à étudier comment insérer ce projet dans le tissu socio-économique d'Ibo, Ibo pourrait bien aussi devenir une destination "alternative" du tourisme pour ceux qui exécre les sentiers battus, une rencontre avec de très sympathiques aventuriers québécois, kayakeurs de mer, en repérage pour une agence de tourisme "alternative", nous en a convaincu.
Sur les photos, un gamin jouant sur la plage avec un crabe, l'église et les forts d'Ibo, les panneaux "e prohibido defecar na praia" puis "usa enxada" utilisez une bêche... La place principale où a lieu une représentation avec des chants, des danses, des sketches joués par les habitants d'Ibo pour ce qui nous a semblé être une délégation du Frelimo. Et les enfants, des enfants partout, tous aussi amusés par l'appareil photo numérique, qui réclament d'être sur une photo, veulent se voir ensuite et partent en courant dans un éclat de rire! Il fallait parfois cacher l'appareil tellement les enfants étaient attirés!! Mais combien de visages, de sourires, de regards absolument merveilleux. Enfin un guide touristique en herbe à qui l'on a donné un rapide cours de français, une jeune fille au masque blanc traditionnel (la photo est prise d'un peu loin), un match de foot et le coucher du soleil... Tout simplement époustouflant.
Nous repartons aux 1ères lueurs, elles aussi impressionnantes, afin de profiter de la marée haute et ainsi essayer d'arriver à temps à Tangenhange pour prendre un chapa et éviter d'avoir à passer une nuit dans le village de Tangenhange qui compte quelques huttes et évidemment pas d'eau ni d'électricité, encore moins le moindre endroit à dormir pour touriste. Les lueurs ont beau être magnifiques, les vents n'en sont pas moins contraires et la traversée se révèle plus périlleuse qu'à l'allée où les conditions étaient quasi parfaites. Nous ne sommes que 6 sur le bateau, le brittanique cité plus haut et son frère, Dora et moi, et 2 "membres d'équipage". Nous nous transformons vite en membres d'équipage, sautant hors du bateau pour le désensabler, hissant la baume en haut du mât, participant aux virements de bord, nombreux car le vent contraire nous oblige à zigzaguer pour regagner la côte. Finalement la marée reflue et nous voilà en train de pagayer pour s'approcher le plus possible de notre lieu de débarquement. La fin du trajet (1km environ) se fait à pied, les pantalons retroussés, dans l'eau puis dans la vase des mangroves! Quelle épopée, mais nous voici à bon port et un chapa ne se fait pas attendre pour nous reconduire à Pemba, chapa amélioré puisque celui-ci est plus grand et dispose de bancs. On voyage néanmoins toujours avec les poulets vivants! Sur la route, papayers et vendeurs de papayes, étal de magnoc (le magnoc ou mendioca, racine au goût de pomme de terre cru en plus farineux, compose l'essentiel de l'alimentation de ces gamins au ventre gonflé par la malnutrition).
Pemba de nouveau, terrasse d'un restaurant surplombant la "baixa" au coucher du soleil: voici quelques unes des centaines de photos que Dora a prises en 1/2 heure. Le lendemain, à nouveau à l'aube, départ en chapa pour Ilha de Moçambique. On ne se rend malheureusement pas bien compte sur les photos mais le chapa était archi-bondé (je ne sais même pas si ça a un sens que j'essaye de trouver un mot pour ça... On peut dire d'un métro qu'il est archi-bondé, on sera encore loin de s'imaginer à quel point ce chapa était chargé), j'ai compté jusqu'à 45 personnes (incluant enfants et nouveaux-nés néanmoins) à l'arrière de ce pick-up. Le trajet fut long et douloureux! Mais que cela valait la peine: Ilha de Moçambique fut vraiment le clou du voyage, on en a presque oublié les chèvres qui nous accompagnaient sur le pick-up!
Sur la route, les pains de sucre caractéristiques de la région de Nampula et enfin le pont vers Ilha. Ilha de Moçambique fut la capitale du Mozambique et était le siège de marchands arabes bien avant l'arrivée de portugais. Elle contient les plus vieux édifices du pays et les vestiges d'un riche passé. Fort, musée, jetée,mosquée (Ilha est restée majoritairement musulmane tout comme Nacala tout proche, alors que Nampula est catholique), la ville est magnifique. Elle aurait cependant besoin de fonds pour sa réhabilitation, comme le montre l'état de certains bâtiments et ce tas d'ordure devant le panneau 'mantenha a cidade limpa!'. Certes, son état est bien meilleur qu'Ibo, très certainement du fait de son inscription au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO, cependant l'interdiction d'achat par des non-mozambicains et les récentes politiques anti-blancs dans certains pays voisins réduisent les investisseurs à la méfiance. Il n'en reste pas moins qu'Ilha de Moçambique est l'attraction touristique du Mozambique et qu'en conséquence, on a y a trouvé les 2 meilleurs hotels dans lesquels il nous a été donné de dormir!
A nouveau, omniprésence des enfants, irrésistiblement attirés par l'appareil photo, jusque dans le micro-bus (appelé tanzanien car conduit d'une manière absolument irresponsable, tanzanien étant synonyme de fou pour les mozambicains) où une petite fille est restée figée à la vue de 2 personnes complètement blanches, elle n'arrivait plus à avaler son biscuit tellement elle était intriguée!
Quelques vues de Nampula, bastion catholique, et de ses pains de sucre si caractéristiques, prises du haut de la cathédrale. Un sculpteur makondé nettoie ses statues.
Vues aériennes de la région de Nampula puis de Pemba.
Bastien après avoir enlevé ses tresses.
Dernier coucher de soleil à Maputo et c'est le départ.